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Opération BAGRATION

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Message  Invité Dim 23 Déc - 12:26


La concentration des troupes soviétiques

Une fois le principe du plan Bagration adopté, l'état-major soviétique se met à l'oeuvre.
Le déroulement d'une opération si grande, entraînant plus de 2 millions d'hommes, requiert en effet une préparation soignée.
Le principal problème des Russes est de parvenir à concentrer suffisamment de forces pour percer en profondeur le dispositif défensif allemand, reposant sur trois lignes de défense. Les Soviétiques tirent les leçons de l'échec allemand à Koursk, pendant l'été 1943 : ces derniers avaient réussi par endroit à percer deux lignes de défense avant d'échouer devant la troisième, faute de réserves employées sur les flancs pour briser des contre-attaques incessantes de l'Armée Rouge. Celle-ci prend donc le temps de concentrer suffisamment de forces à l'arrière du front : unités d'infanterie destinées à intervenir sur les flancs et unités mobiles (brigades et régiments de chars, de canons automoteurs) ainsi que d'artillerie pour réaliser la percée après la rupture du front.



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Dans chaque secteur, des concentrations énormes sont mises sur pied : une division tous les kilomètres et demi, même dans le second échelon (contre 2,5-3 km en temps normal). Chaque régiment de fusiliers doit ainsi percer sur un km seulement ! . Cela est bien peu comparé aux 24 km (minimum) en moyenne que doivent tenir les divisions allemandes du Heeresgruppe Mitte... . Ainsi, à chaque bataillon allemand fait face une division de fusiliers à 9 bataillons de 380 hommes, soit en gros 350 Allemands contre 3 250 Soviétiques !




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Il faut acheminer sur les lieux de l'offensive 400 000 hommes qui viennent s'ajouter aux 1,6 millions présents sur place. Certaines unités parcourt ainsi plus de 2 500 km. Elles sont amenées le plus souvent par chemin de fer et débarquées sur les arrières du 1er Front de Biélorussie, au sud des marais de Pripet. Elles gagnent ensuite à pied des positions plus septentrionales, quasiment toujours de nuit pour garantir toute discrétion.
Le trafic routier est limité aux heures valables de nuit et aux jours de mauvais temps. Les transferts commencent le 21 mai avec la 2ème armée de la Garde et la 51ème armée qui viennent de Crimée. Elles gagnent respectivement Yarstevo et Gomel avant de rejoindre à pied la ligne de front. La réserve de la Stavka est ensuite mise à contribution : le 1er Front de Biélorussie reçoit le 1er corps blindé, le 3ème Front de Biélorussie, la 11ème armée et le 2ème corps blindé de la Garde, le 2ème Front de Biélorussie le 81ème corps de fusiliers. La 28ème armée, le 9ème corps blindé, le 1er corps blindé de la Garde et le 2ème corps de cavalerie mécanisée sont mis à la disposition du flanc droit du 1er Front de Biélorussie, la 8ème armée de la Garde, la 2ème armée blindée et le 2ème corps de cavalerie de la Garde sur son flanc gauche. De nombreuses unités indépendantes -blindés, artillerie, génie, mortiers- sont également affectées aux différents Fronts. Les armées aériennes, particulièrement celles en soutien des 1er et 3ème Fronts de Biélorussie, sont complétées par l'envoi de 11 corps et 5 divisions.
Le transfert le plus délicat est celui de la 5ème armée blindée de la Garde, déplacée d'Ukraine début juin 1944. La concentration n'est terminée que le 20 juin : en tout, 56 divisions de fusiliers, 4 corps de cavalerie, 10 corps blindés, 2 corps mécanisés, 1 brigade et 18 régiments blindés, 31 régiments de canons d'assaut ont été véhiculés.
Une armée de fusiliers nécessite à elle seule 16 trains, un corps d'armée blindé 20 trains, un corps d'armée mécanisé 33 trains, un corps de cavalerie 57 trains (chevaux obligent), une brigade blindée 3 trains, un régiment blindé 2 trains, un régiment de canons d'assaut 1 train. En tout donc, 1 433 trains sur 10 semaines soit 21 par jour !
En ajoutant les unités diverses, artillerie et autres, la moyenne s'élève à 31 trains quotidiens.

Il y a ensuite la question du matériel, des munitions et des rations. La division de fusiliers soviétique a besoin chaque jour de 311 t de munitions, 19 t de rations, 15 t de foin pour les chevaux et 13 t de carburant : 358 t au total. Les divisions de réserve n'ont droit qu'à 275 t.
Puisqu'il y a 150 divisions impliquées dans les 4 Fronts concernés par Bagration, il faut 41 250 t par jour ! . Ce qui fait 20 trains par jour, à raison de 2 000 t transportées par des convois de 45 wagons.
Un train sur cinq est destiné à la réserve. Les six semaines précédant l'offensive, 5 718 916 t d'approvisionnements sont débarquées. 1,2 millions (400 000 de munitions, 300 000 de carburant et 500 000 de rations) constituent le stock nécessaire pour l'attaque. Les 4,5 millions de t restantes sont destinées à la poursuite. 2 800 trains sont utilisés soit 65 par jour en moyenne. Ces chiffres montrent l'ampleur de l'effort accompli par les Soviétiques : rien n'est laissé au hasard.





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Les débuts de Bagration

L'offensive, prévue pour le 15 juin, doit être retardée d'une semaine pour des raisons logistiques. Même si les Allemands avaient eu des soupçons, ne serait-ce que par les nombreux sabotages menés par les partisans à partir du 19, ce report n'aurait pas joué en leur faveur.
En effet, le commandement refuse toujours de croire au lancement d'une si vaste opération en Biélorussie, et vient par exemple d'expédier le II. SS-Panzer-Korps (9. et 10. SS-Panzer-Divisionen Hohenstaufen et Frundsberg), au repos en Galicie, en Normandie.
Après des reconnaissances en force lancées le 22, pour repérer les points faibles des défenseurs, Bagration débute réellement le lendemain par une forte préparation d'artillerie. Un millier d'appareils de l'aviation à longue portée ont pilonné les plus grosses concentrations de troupes allemandes pendant la nuit. Busch n'est même pas à la tête de son groupe d'armées lors de l'attaque : il est en Allemagne, en Bavière, auprès d'Hitler...

Les Soviétiques attaquent dans six secteurs et remportent vite de grands succès dans le nord, contre la 3ème Panzer-Armee, autour de Vitebsk, et après des échecs initiaux, dans le sud près de Bobrouisk, contre la 9ème Armee. Dans ce dernier cas, mal employée, la 20ème Panzer-Division ne réussit pas à empêcher la percée des corps blindés soviétiques. Au centre, à Orsha, la 4ème Armee, dont la 78ème Sturm-Division (certainement une des meilleures unités d'infanterie allemandes du front russe), tient d'abord tête même si les divisions de la 11ème armée de la Garde du général Galitskij mettent le paquet. Qu'on en juge : chaque force d'assaut avance précédée de T-34 démineurs appuyés par des chars lourds KV-1 ou JS-2, eux-mêmes suivis par un bataillon d'assaut du génie et un régiment de 20 canons automoteurs lourds JSU-152. L'infanterie arrive ensuite avec une compagnie de chars lance-flammes et 21 canons automoteurs SU-76 par régiment de fusiliers.
Un tel dispositif n'a rien à envier à celui du 6 juin sur les plages normandes ! Il est néanmoins stoppé par les trous d'obus, mines et autres défenses statiques et surtout par les redoutables armes antichars individuelles, les Panzerfaüste, maniées par des combattants résolus.
Il faut attendre le 25 pour que les défenses soient submergées, après que la 1ère division de fusiliers de la Garde a repéré une faille entre la 78ème Sturm-Division et la 256ème I.D. Orsha tombe dans la nuit du 26, avec la 78ème St.-D., détruite par l'infanterie des 31ème armée et 11ème armée de la Garde.
Le même scénario se répète à Mogilev le 30 juin, où c'est cette fois la 12. I.D. qui est annihilée mis à part un Kampfgruppe qui parvient à se retirer. Les Soviétiques sont eux-mêmes surpris par l'ampleur de leur réussite. Le front allemand cède en plusieurs endroits.




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Le premier désastre a lieu dans le secteur de la 3ème. Panzer-Armee, autour de la Festerplatz de Vitebsk, dont la défense se révèle vite impossible.
Le premier jour, la 6ème armée de la Garde et et la 43ème armée du 1er Front de la Baltique ont enfoncé le IX. Armee-Korps au nord de la ville.
Au sud, les 39ème et 5ème armées du 3ème Front de Biélorussie mettent en pièces le VIème Armee-Korps. Dès le 24, les avant-gardes russes se trouvent à l'ouest de la ville, laquelle est définitivement encerclée le lendemain.
Busch se contente de répéter de tenir sur place, après avoir mollement essayé le 23 d'obtenir de Hitler l'autorisation de replier le LIIIème Armee-Korps.
La situation continuant de se dégrader, une percée vers l'ouest est autorisée le 25 mais après quelques kilomètres, les quatre divisions qui la composent sont anéanties par les 39ème et 43ème armées. 28 000 hommes disparaissent de l'ordre de bataille allemand (au moins 20 000 morts et 5 000 prisonniers). Les cinq généraux présents sont tués ou capturés.
Seules quelques dizaines de soldats allemands échappent à la capture. Au centre, autour d'Orsha et Mogilev, les unités de la 4. Armee s'efforcent de se replier en bon ordre. Leur chef, le général von Tippelskirch, décide en effet de désobéir à Busch -et par là-même à Hitler.
Il fait croire qu'il défend les Festerplatz d'Orsha et de Moghilev et ses positions avancées -souvent déjà tombées- afin de sauver ses troupes.
La progression russe au nord et au sud de son armée condamnent de toute façon une défense statique. Il s'agit maintenant de gagner la rive occidentale de la Bérésina (de sinistre mémoire) en prenant de vitesse les corps mobiles des 2ème et 3ème fronts de Biélorussie, dont ceux de la 5ème armée blindée de la Garde qui montent en ligne au matin du 26 juin.
La dernière grande percée a lieu dans le secteur de la 9. Armee, près de Bobrouisk, une autre Festerplatz, premier objectif du 1er front de Biélorussie de Rokossovsky.
Malgré les contre-attaques de la 20. Panzer-Division, le 1er corps blindé de la Garde et le 9ème corps blindé entament l'encerclement de la ville dès le 26. Le XXXVème Armee-Korps peut encore s'échapper vers l'ouest mais Busch persiste dans ses ordres de tenir sur place et le général Jordan, chef de la 9. Armee, n'est pas homme à désobéir.
Le lendemain, le XXXVème Armee-Korps est cerné par les Soviétiques qui peuvent lancer vers l'ouest le groupe "cavalerie-mécanisé" Pliev afin de menacer les arrières de l'aile gauche de la 9ème Armee et la 2ème. Armee en position au sud-ouest.

Le 27, 40 000 soldats se retrouvent pris au piège dans une poche de 25 km autour de Bobrouisk et subissent même le feu de canonnières de la flottille du Dniepr qui progressent sur la Bérésina, tandis que Jordan est remplacé par Weidling (chef du XLI. Panzer-Korps, lui aussi encerclé dans cette poche) à la tête de la 9ème Armee. Les troupes assiégées reçoivent l'autorisation de percer, couverts par une arrière-garde et, menés par la 20ème Panzer-Division, franchissent les lignes russes dans la nuit du 28, laissant 60 % de leurs effectifs sur le terrain. La garnison de Bobrouisk cède finalement le 29, après deux jours d'intenses combats de rues. Les vainqueurs ne font guère de prisonniers, massacrant la plupart des 3 500 blessés allemands laissés sur place. Les Allemands ont perdu 10 000 prisonniers à Bobrouisk (notamment parmi la 383ème I.D., sacrifiée sur place) et 6 000 autres plus 10 000 morts lors des tentatives de percée (selon les Soviétiques).




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Le Heeresgruppe Mitte part en lambeaux

En quelques jours, l'Armée Rouge a déjà remporté une énorme victoire et le Heeresgruppe Mitte semble incapable de reconstituer un front. Faute de réserves, les Allemands engagent tous les moyens disponibles dans des groupes ad hoc tel le Sperrverband Bergen -groupe d'arrêt Bergen- devant protéger les approches de Minsk par la route de Bobrouisk avec trois bataillons de sécurité et un groupe d'artillerie, aucun n'ayant l'expérience du front. Signalons aussi le Kampfgruppe (groupe de combat) von Gottberg, chargé de couvrir l'est de Minsk avec quatre ou cinq régiments de police et trois compagnies de chars obsolètes destinés à la lutte anti-partisans.
Mais ces improvisations ne pallient pas au manque de troupes expérimentées. Hitler et le haut-commandement, toujours convaincus que l'offensive principale reste à venir, consentent cependant à envoyer la 5ème Panzer-Division le 24 puis la 12. Panzer-Division.
De leur côté, les assaillants démontrent une nouvelle maîtrise tactique, opérant en groupes interarmes, s'infiltrant à travers les failles de la défense et envoyant des détachements avancés s'emparer des points stratégiques, perturber l'arrivée des rares renforts et, d'une manière générale, accentuer la confusion dans les rangs allemands. Par exemples, les trois armées, 39ème, 43ème et 6ème de la Garde, attaquant Vitebsk, organisent chacun un détachement avancé avec un bataillon de fusiliers portés par des chars et appuyés par de l'artillerie motorisée ou automotrice. Ce sont eux qui referment la poche autour du LIII. Armee-Korps.

En outre, l'aviation soviétique met à profit sa maîtrise des airs pour assaillir efficacement les colonnes en retraite. Elle domine complètement la Luftwaffe et opère en formations massives : le 23 juin, quinze minutes avant l'assaut, l'état-major de la 78ème Sturm-Division subit l'attaque de 18 Il-2 Stormoviks et les positions avancées celles de 160 bombardiers Pe-2. La seule 1ère armée aérienne soutenant le 3ème front de Biélorussie effectue plus de 2 500 sorties dans les trois premiers jours de l'offensive contre 65 pour la Luftflotte 6 (selon les sources soviétiques). Malgré un savoir-faire encore en deçà des standards occidentaux, les VVS se montrent particulièrement redoutables, probablement plus que l'aviation alliée en Normandie.
En effet, la densité de Flak est moindre, en raison de l'étendue du front, et les troupes allemandes, avec leurs colonnes hippomobiles, doivent franchir un certain nombre de ponts où leur concentration rend leur destruction assez aisée. Les Stormoviks n'ont jamais autant mérité leur surnom de "bouchers" attribué par les Allemands.

En effet, la retraite de ces derniers est vite générale. Le premier jour, plusieurs unités ne sont pas attaquées mais s'aperçoivent qu'elles sont en train d'être encerclées. Cependant, il n'y a tout d'abord que peu d'inquiétude vis-à-vis d'une situation déjà connue sur le front de l'est. Maintes unités pensent former un Kessel -chaudron- itinérant et se voir tirer d'affaire par les chars en quelques jours. Mais cette fois, les chars brillent par leur absence et l'Armée Rouge n'est aucunement disposée à laisser les Allemands organiser leur décrochage. L'Infanterie Regiment 18, par exemple, de la 6. Infanterie Division du XXXVème Armee-Korps de la 9ème Armee, plie bagages seulement le 25 et finit anéanti deux jours plus tard dans les bois à l'est de Bobrouisk. Si la retraite commence généralement en bon ordre, la puissance de l'assaut soviétique transforme vite la situation en chaos.
C'est en particulier le cas lors du passage des ponts sur les nombreux cours d'eau qui jalonnent la route des troupes. La discipline cède souvent devant le sauve-qui-peut, surtout si l'ennemi est proche. Malgré les scènes dantesques, les bombardements aériens et les attaques des partisans, les unités gardent en général une certaine cohésion. Peu de soldats sont prêts à se rendre, craignant que les vainqueurs n'exercent des représailles.
Après avoir d'abord minoré l'importance de l'offensive, Hitler et son état-major commence à prendre conscience de l'ampleur du désastre.




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Succès initiaux, prolongement de Bagration

Le 28 juin, la première phase de l'opération Bagration est terminée.
L'Armée Rouge a réalisé avec succès trois encerclements, à Vitebsk, Mogilev et Bobrouisk. Si des poches de résistance subsistent, les positions du Heeresgruppe Mitte sont définitivement débordées. Cette situation stupéfie même les généraux soviétiques, qui cherchent à exploiter au mieux leur réussite pour maintenant refermer la tenaille autour de Minsk. La puissance matérielle des assaillants se révèle décisive. En particulier, plusieurs types de blindés performants sont utilisés conjointement en masse pour la première fois et donnent une supériorité qualitative considérable aux Soviétiques.
D'abord, pas moins de 14 régiments de canons automoteurs lourds JSU-122 et JSU-152 jouent un rôle crucial dans la réduction des lignes de défense et des Festerplatz. Ensuite, tous les corps de blindés utilisent les T-34/85 qui font merveille en particulier contre la 20. Panzer-Division et ses Panzer III et IV. Enfin, quatre régiments de chars lourds JS-2 sont engagés. Au final, les assaillants se situent parfois à plus de 120 km de leurs points de départ et plusieurs unités mobiles, dont les deux groupes "cavalerie-mécanisé", se trouvent en mesure de frapper en profondeur les arrières allemands.
Busch a engagé toutes ses maigres réserves afin de contre-attaquer et de reconstituer en vain un semblant de front.
Après avoir minoré l'attaque, Hitler réagit et charge le 28 juin son "pompier" Model de prendre la place de Busch, limogé, sans pour autant revenir sur son ordre de tenir sur place (Model est remplacé formellement à la tête du Heeresgruppe Nordukraine par son adjoint, le Generaloberst Harpe, chef de la 4. Panzer-Armee). Le Generalfeldmarschall Model, spécialiste des situations désespérées, trouve ici un cas d'école. Il doit maintenant réussir là où Busch a échoué. Le nouveau chef du Heeresgruppe Mitte découvre un panorama catastrophique.
S'il s'efforce de sauver ce qui peut l'être, il lui apparaît que plusieurs unités sont perdues. Au nord, Vitebsk étant tombée, les forces de la 3ème Panzer-Armee décrochent en désordre et un boulevard s'ouvre vers Minsk pour le 3ème front de Biélorussie. Au centre, la 4ème Armee retraite en assez bon ordre mais le groupe d'armées n'arrive pas à rétablir le contact et ignore même sa position exacte. Au sud-est, la 9ème. Armee s'extraie difficilement du chaudron de Bobrouisk.



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Pour sauver la situation, Model compte sur ses quelques renforts, dont la 5ème et 12ème Panzer-Divisionen. Le 26, à peine arrivée à Minsk, la première envoie toutes ses unités disponibles, dont son groupe de reconnaissance, vers le nord-est, pour tenir les ponts sur la Bérésina et couvrir le passage de la 4ème Armee. Quant à la seconde, elle part vers le sud-est prêter main forte à la 9ème Armee. Model sait qu'il n'aura pas suffisamment de renforts, en particulier du fait du débarquement en Normandie, qui immobilise plusieurs des plus puissantes Panzer-Divisionen. En tout cas, son arrivée a un effet positif sur le moral des troupes et le journal de guerre de la 9ème Armee prend acte de sa nomination "avec satisfaction et confiance".
Parallèlement, les Russes rencontrent quelques difficultés. D'abord la montée en ligne des unités mobiles se fait souvent dans la confusion. Le meilleur exemple reste celui de la 5ème armée blindée de la Garde de Rotmistrov, seule armée de chars participant à Bagration (elle compte deux corps blindés, le 29ème et le 3ème de la Garde, équipés de T-34/85, soit en tout plus de 500 chars et canons automoteurs).
Placée en réserve du 3ème front de Biélorussie, elle ne peut être engagée comme prévu le 24, en raison de la résistance allemande à Orsha, mais seulement le 26. Ensuite, les corps de chars, souvent plus habitués aux vastes espaces du sud de l'URSS qu'aux forêts et aux marais de Biélorussie, perdent un temps précieux suite à la résistance des arrière-gardes allemandes. Cependant, ces quelques problèmes ne sont rien à côté de ceux des Allemands.



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La défense et la chute de Minsk : le triomphe de Bagration

Dès le 28, les premiers combats opposent autour de Borisov, sur la Bérésina, la 5ème Panzer-Division à la 5ème armée blindée de la Garde, notamment son 3ème corps blindé de la Garde équipé de Shermans. Les hommes de Rotmistrov découvrent un redoutable adversaire, d'autant que les 125 Panzer IV et Panzer V Panther de l'unité ont été renforcés par les 19 Tiger I du schwere Panzer-Abteilung 505. Pour la première fois durant Bagration, les Allemands déploient des blindés aussi puissants que ceux des Russes. Mais, si la 5ème Panzer-Division et les quelques unités qui lui ont été allouées défendent efficacement leur secteur, les assaillants, vite appuyés par de nouvelles troupes comme la 11ème armée de la Garde, trouvent aisément des failles et contournent les défenseurs trop peu nombreux. Le 30 juin, Borisov est d'ailleurs libérée par l'Armée Rouge et la ligne de la Bérésina débordée.
Plus au sud, la 12ème Panzer-Division doit recueillir la 9ème Armee tout en protégeant les abords de Minsk, meilleur échappatoire vers l'ouest. Mais à la différence de sa consoeur, elle ne dispose que de 44 chars dont 9 Panzer III obsolètes et ne dispose ni de groupe de reconnaissance, ni de groupe antichar et de Flak ! . Elle n'est pas en mesure d'arrêter les chars russes.
Le 28, elle permet en tout cas à 15 000 hommes venant de Bobrouisk d'échapper à l'ennemi et se replie à son tour, en s'efforçant avec quelques unités de la 9ème Armee, de ralentir l'avance du 1er front de Biélorussie, précédé par deux corps blindés !
En outre, l'avancée du général Pliev oblige la Panzer-Division à contre-attaquer vers l'ouest le 2 juillet, pour maintenir ouverte les,lignes de communication. En effet, plus au sud, le groupe "cavalerie-mécanisé" poursuit sa chevauchée infernale vers l'ouest, dans les marais du Pripet, sur les arrières des 2 et 9èmes Armee.




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Devant l'ampleur du désastre, les Allemands ramènent des unités en catastrophe. Le Kavallerie-Korps von Harteneck, avec quelques excellentes troupes, dont la 4ème Panzer-Division, s'avance à la rencontre des cavaliers et des blindés soviétiques et les engage dès le 29 juin.
A l'extrémité nord de la percée, le 1er front de la Baltique progresse vers Vilnius face à une 3ème Panzer-Armee en pleine retraite pour laquelle aucun renfort n'est disponible. Elle réussit néanmoins à reculer à peu près en bon ordre avant que n'arrivent, le 12 juillet, les premiers éléments de la 6. Panzer-Division.
C'est pourtant dans le secteur de Minsk, vers lequel convergent deux fronts plus le 2ème front de Biélorussie repoussant la 4ème Armee, que la situation est la plus critique. Si l'armée ne réussit pas à tenir, l'aviation obtient encore moins de succès. La Luftwaffe combat en effet à un contre dix.
L'attaque des ponts russes sur la Bérésina par des Fw 190 par exemple se révèle décevante et il faut faire flèche de tout bois. On ordonne même aux He 177 du II./KG 1, les seuls bombardiers "stratégiques" du Reich, de pilonner à basse altitude les colonnes blindées russes avançant vers Minsk pour des résultats médiocres et de lourdes pertes. Quant aux parachutages pour la 4ème Armee espérés par Model, ils se limitent à peu de choses faute d'appareils.



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Même si la 5ème Panzer-Division lutte pied à pied pour retarder la progression russe, l'étau se referme inexorablement sur Minsk. Malgré les demandes de Model, Hitler refuse de faire évacuer la ville avant le soir du 2 juillet. A cette date, le 2ème corps blindé de la Garde, avant-garde de la 11ème armée de la Garde, a trouvé une brèche entre le Gruppe Gottberg et la 267 I.D., et le lendemain, à 2h du matin, la 4ème brigade de chars de la Garde atteint les faubourgs de la capitale biélorusse. Défendue par à peine 1 800 hommes, Minsk contient pourtant d'importants stocks de ravitaillement. Model ordonne que leur destruction commence dès le 1er juillet, mais beaucoup restent intacts. 35 000 blessés, fuyards, et personnels administratifs se trouvent encore à cette date dans la ville. Les combats se rapprochent, les derniers trains partant vers l'ouest sont pris d'assaut. Quand, à l'aube du 3 juillet, le 2ème corps blindé de la Garde entre dans Minsk, il se heurte à une résistance décousue. La 5ème Panzer-Division contourne l'agglomération par le nord, bataille pour protéger la voie ferrée au nord-est de Minsk contre la 5ème armée blindée de la Garde, et poursuit sa retraite vers l'ouest, maintenant talonnée par le groupe "cavalerie-mécanisé" Oboukhov, du 3ème front de Biélorussie. Elle a perdu 112 de ses 125 blindés dans les derniers combats, dont tous ses Tiger, mais elle a donné du fil à retordre aux Soviétiques.
Au sud, la 9ème Armee et la 12ème Panzer-Division continuent également leur repli devant les forces du 1er front de Biélorussie.





La chute de Minsk marque la fin du Heeresgruppe Mitte :

après les dernières redditions et les derniers combats contre les groupes allemands épars des 4 et 9èmes Armee, on peut évaluer les pertes à près de 350 000 hommes, dont 150 000 prisonniers !
Les Russes viennent de refermer le piège sur le gros du Heeresgruppe Mitte. La chute de Minsk condamne en effet les forces allemandes à l'est de la ville, essentiellement celles de la 4ème Armee, échappées à grand peine de Mogilev et d'Orsha et dont certaines n'ont pas encore franchi la Bérésina !
Von Tippelskirch garde dans un premier temps le contact avec la plupart de ses troupes, même si la transmission des ordres est laborieuse. Puis, il déplace son QG à l'ouest de Minsk. L'avance soviétique et la prise de la ville rendent dès lors son commandement extrêmement difficile.
Le 4 juillet, les éléments de 7 divisions, parfois encore correctement équipés, se trouvent dans une large poche, et non réapprovisionnés en munitions, les lignes allemands s'étirant vers l'ouest. Les armées du 2ème front de Biélorussie les cernent maintenant de trois côtés et celles des 1er et 3ème fronts de Biélorussie leur barrent la route de Minsk. Le 5, les Allemands essayent par conséquent de percer à la tombée de la nuit en abandonnant armes lourdes, véhicules et blessés. Toutes les tentatives échouent et les groupes importants doivent se fractionner en détachements plus modestes dans l'espoir d'atteindre les lignes allemandes. Même les troupes les mieux préparées comme la 267ème I.D. du général Drescher, qui met sur pied un escadron de cavalerie grâce aux chevaux de ses artilleurs, sont dispersés. Le nettoyage s'achève le 11 juillet, avec l'assistance des partisans, qui guident l'Armée Rouge vers les groupes importants et liquident eux-mêmes les plus petits. Un des groupes les plus importants, autour du General Müller (chef du XII. Armee-Korps), se rend le 8 juillet avec 57 000 hommes.







La poursuite de l'offensive vers l'ouest

Malgré la fatigue et le manque de ravitaillement, l'offensive continue même si elle a d'ores et déjà atteint son principal objectif, détruire le Heeresgruppe Mitte. Dès le 28 juin, la prise de Minsk ne faisant plus de doute, la Stavka fixe de nouveaux objectifs plus à l'ouest, en Pologne ou dans les Etats baltes : Kaunas, Grodno, Byalistok et Brest-Litovsk. La 5ème armée blindée de la Garde reçoit l'ordre de pousser au nord-ouest vers Vilnius.
Dans le même temps, Model essaie de en vain de reconstituer un front, de Vilnius au nord jusqu'à Baranovichi, dans les marais du Pripet, au sud. Il manque de troupes, doit combler une brèche de 70 km entre les Heeresgruppen Mitte et Nord et subit toujours la pression des assaillants.
Baranovichi est prise dès le 8 par le groupe Pliev. Puis c'est le tour de Vilnius, déclarée Festerplatz par Hitler.
La 6. Panzer-Division ne sauve qu'une partie de la garnison (3 000 hommes, 12 000 restant dans la place) avant la chute de la ville le 13 juillet.
Au sud, les cavaliers et les chars de Pliev, suivis par pas moins de 3 armées d'infanterie, continuent leur chevauchée destructrice, quoique ralentis par le Kavallerie-Korps Harteneck et la 2ème Armee.



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Enfin, comme prévu, une violente offensive du 1er front d'Ukraine de Koniev éclate le 13 devant le Heeresgruppe Nordukraine. Seulement, si les Allemands anticipent cette fois l'assaut, repliant leurs premières lignes et déplaçant leurs réserves, les meilleures unités mobiles manquent car envoyées au secours du Heeresgruppe Mitte. Les quelques Panzer-Divisionen présentes sont non seulement trop faibles mais en plus très mal déployées face à l'assaut principal russe. Le 18 juillet, l'aile gauche du 1er Front de Biélorussie lance son attaque contre Kovel avec les 47ème, 69ème et 70ème armées, la 1ère armée polonaise, la 8ème armée de la Garde et la 2ème armée blindée, tandis que la 61ème armée tient la ligne de front du Pripet. Le 20 juillet, l'Armée Rouge franchit l'ancienne frontière germano-soviétique de 1941 en Pologne, le jour même où Hitler échappe à un attentat fomenté par des officiers allemands. La 2ème armée blindée et la 1ère armée polonaise atteignent la Vistule le 25 juillet. Les 29 et 31, deux têtes de pont sont établies au-delà du fleuve au sud de Pulawy et à Magnusew par la 69ème armée, la 8ème armée de la Garde et la 1ère armée polonaise. Le 31 juillet, le 1er Front de la Baltique atteint le golfe de Riga et coupe le Heeresgruppe Nord du reste de l'Allemagne, celui-ci pouvant cependant être ravitaillé par le port de Riga.

Encore une fois, l'Armée Rouge réussit parfaitement à déguiser ses intentions. Il en résulte l'encerclement du XIIIème Armee-Korps dans la poche de Brody, la prise de Lvov et la retraite allemande sur les Carpathes et la Vistule. Cette nouvelle défaite ne marque pas la fin des succès soviétiques qui, pendant l'été, repoussent les Allemands dans les pays baltes, arrivent aux portes de la Prusse Orientale et détruisent la 6. Armee en Roumanie.
Cette dernière opération -Jassy-Kichinev- va faire basculer la Roumanie puis la Bulgarie dans le camp allié et ouvrir tout le flanc sud à l'avance russe. Par ses conséquences, à court et moyen terme, Bagration a, comme prévu, chassé les Allemands d'URSS et balayé leurs positions à l'est.



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Bagration : une victoire sans appel

Dire que le Heeresgruppe Mitte a été détruit n'est pas une exagération. Ses pertes s'élèveraient fin août à près de 300 000 tués ou disparus -dont 150 000 prisonniers ?-, 44 % des effectifs du 22 juin 1944.
Le 17 juillet, plus de 55 000 soldats capturés sont exhibés dans Moscou, une façon d'humilier "la race des seigneurs" qui voulait coloniser la Russie et réduire sa population en esclavage. Sur les trottoirs se trouve une foule haineuse mais parfois, aussi, compatissante.
Plusieurs divisions allemandes sont tout simplement rayées de la carte. Pas moins de 17 généraux sont tués, disparus ou se sont suicidés, 19 ont été pris. A la date du 15 juillet, 22 divisions sont considérées "disparues" et 11, dont la 20. Panzer-Division, très diminuées. La 3ème Panzer-Armee par exemple ne contrôle plus que 2 divisions et des Kampfgruppen. Les Allemands ne peuvent rétablir un front cohérent que fin août devant Varsovie ! Cette brillante victoire a un coût relativement "modeste" pour les Soviétiques avec 178 500 tués, disparus et prisonniers, soit 8 % des effectifs, plus 587 308 blessés. Quant au matériel, les dégâts subis par la 5ème armée blindée de la Garde sont jugés excessifs, en particulier face à la 5ème. Panzer-Division. Rotmistrov a déçu, tout comme à Koursk. Aussi un placard doré l'attend au commandement suprême des forces blindées.



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Une telle victoire ne résulte pas seulement du rapport de forces mais aussi d'une excellente stratégie soviétique, à tous les niveaux. On a le sentiment de voir un retournement de la situation de 1941. Les Allemands, sur l'ordre d'Hitler, se figent dans une défense statique de Festerplatz qui sont en fait autant de pièges face à un adversaire plus puissant et plus mobile. L'absence de Panzer-Divisionen pouvant dégager les garnisons encerclées condamne de toute façon les Kesseln à brève échéance. Non seulement le Heeresgruppe Mitte possède peu de réserves, résultat d'erreurs d'interprétation des plans ennemis, et de l'ampleur des fronts à défendre, de la Normandie à l'Ukraine en passant par l'Italie, mais en outre il n'a aucune position de repli préparée. Etait-il pour autant possible d'en établir une sur un front de plus de 1 000 km ? En tout cas, Hitler contribue par son refus de tout recul à aggraver la situation. Il charge d'ailleurs ses généraux, limogeant les commandants d'armées. Quant à Model, quoique meilleur tacticien que Busch, il ne réussit pas à rétablir la situation avant l'anéantissement du gros de la 4ème Armee -le pouvait-il ? C'est l'éloignement des unités russes de leurs bases qui les ralentit puis les oblige à s'arrêter, d'autant que les Allemands effectuent dans leur retraite des destructions puis amènent des renforts mobiles très efficaces, comme la 5ème Panzer-Division.
Au final, en moins de 15 jours, l'Armée Rouge inflige une défaite écrasante à son ennemi, la pire de tout le conflit en une seule offensive.
Le seul exemple des pertes allemandes est significatif : la bataille de Normandie coûte plus de 210 000 tués, blessés et prisonniers à comparer au seul total des tués et des disparus en Biélorussie. Même si, stratégiquement, le débarquement a joué un rôle crucial dans la victoire alliée, la guerre s'est d'abord livrée en URSS et y a été perdue par l'Allemagne.


Sources
NAUD (Philippe), "Opération Bagration : l'Armée Rouge lamine la Wehrmacht ", in Batailles n°4, Paris, Histoire et Collections, octobre-novembre 2004 (p.32-43).

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Message  Invité Jeu 3 Jan - 16:42


quelques autres tofs sur cette operation de l'été 44

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